Le regard. Celui que l'on porte sur les gens, sur les choses. Celui qui se construit au fil de l'eau, ne se défile pas et s'illumine lorsque le beau lui fait de l'oeil. Ce regard que je travaille sans relâche depuis l'enfance, car il est pour moi source de joie et rempart au chaos. La joie de découvrir un lieu décoré avec goût, de passer devant un homme ou une femme qui rayonne par sa confiance en lui/elle ou son sens du style, la joie d'une palette de couleur harmonieuse, d'un paysage enivrant, d'un mouvement élégant. La joie d'un détail qui change tout, d'un bijou qui habille, d'un éclat de rire irrésistible.
C'est pour offrir un point de vue que je suis devenue photographe. C'est parce qu'à force de découper et coller des images dans mes grands carnets d'inspiration, je me suis persuadée d'en créer à mon tour. Mais pour se faire, il fallait d'abord aiguiser mon oeil. L'oeil qui analyse, tranche parfois, cherche la bonne lumière, l'angle qui fera la différence.
J'aurais pu aussi faire le métier de directrice artistique, pour intégrer ces photos réalisées dans des mises en pages à leur mesure. Un métier extraordinaire de chef d'orchestre. Mais peu importe la profession, pourvu qu'il y ait l'envie. L'envie de s'entourer de beaux objets, de vivre dans un environnement raffiné, l'envie de mettre un soupçon de magie et beaucoup de poésie dans nos quotidiens parfois dénués de sens.
Une personne aujourd'hui disparue a sauvé mon premier confinement, en Mars 2020.
Malade, au fond de mon lit et je dois le dire un peu désoeuvrée, j'ai vu que le Vogue Italia ouvrait la boite de Pandore : ses archives privées. Exceptionnel. Le Vogue Italia est depuis LA référence pour les amateurs de mode et de photographie. Je me suis plongée avec délectation dans les nombreuses images publiées au fil du temps dans cette bible de la créativité, dont Franca Sozzani était la papesse. Une rédactrice en chef qui durant de nombreuses années déploya des trésors d'imagination et s'entoura des meilleurs photographes, de Steven Meisel à Peter Lindbergh, en passant par Patrick Demarchelier. Son objectif ? Faire du Vogue italien un référent en matière de bon goût dans la presse internationale.
L'envie de s'entourer de beaux objets, de vivre dans un environnement raffiné, de mettre un soupçon de magie et beaucoup de poésie dans nos quotidiens parfois dénués de sens.
J'en ai profité pour visionner le documentaire que son fils Francesco lui a consacré : Chaos & Creation. Je vous le recommande vivement si comme moi vous aimez la mode et la photographie. Francesco nous emmène dans les coulisses de la création du magazine pour rendre un hommage vibrant au travail accompli par sa mère. On s'attache à cette femme au talent rare, qui sous le feu des questions de son fils déroule le fil de son parcours de vie et revient à la source de sa créativité.
Franca m'a fait vibrer par ses choix iconographiques percutants et ses mises en pages originales. J'ai alors ressenti l'excitation familière que me procurent la photographie et les beaux textes, les collages et la peinture. Mon univers visuel a pris une toute autre dimension.
C'est après de longues heures passées à m'émerveiller en "feuilletant" les pages de ces vieux numéros, que j'ai eu envie de partager avec vous mon amour des belles images et que j'ai décidé de me remettre à écrire.
Alors, merci Franca.
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