J'ai rencontré Ariane Chang, dite Yaya, il y a quelques années et je suis tombée sous le charme de cette artiste sensible et multi-facettes.
L'éclectisme de ses oeuvres et les couleurs fortes qui s'en dégagent sont inspirées de son éducation multi-culturelle, entre la Chine, les Etats-Unis et la France. Autodidacte, elle travaille aussi bien la peinture à l'huile que l'aquarelle ou le dessin, et aime créer autour du corps féminin. Interview.
Solaire Journal : Bonjour Ariane, comment as-tu développé ta sensibilité artistique ?
Je dessine depuis que je suis toute petite. Pendant des années je dessinais des chevaux de manière obsessionnelle. Mes parents dessinent et ont nourri ma passion en m'emmenant dans les musées pour y faire des croquis des sculptures et peintures.
Tu es chino-américaine, mariée à un français, tu vis à Paris. Qu'est-ce que ce mélange de cultures t'apporte au niveau artistique ?
Je suis aussi française grâce à ma grand-mère Ginette qui est niçoise ! J'ai grandi à Pékin puis à Hong Kong et enfin New York. Et je passe ma vie d'adulte à Paris, ce qui me permet de vivre plusieurs réalités. Ce mélange de cultures me permet de naviguer d'un monde à l'autre, et de développer une sensibilité artistique variée. Ma signature est mon nom de famille chinois "zhang" "張" avec mon surnom, Yaya, qui n'est pas du tout Chinois.
Comment choisis-tu les sujets que tu peins ?
Tout mon art est un autoportrait en quelque sorte. Je dessine souvent des formes et des visages féminins, car je suis ainsi plus en mesure de créer une intimité avec mon spectateur et d'entamer une conversation. Par ailleurs, je suis actuellement enceinte et cela m'inspire beaucoup à propos du corps féminin. En ce moment, je réalise une petite série pour le fun sur les seins. Mes seins avant, pendant et après la grossesse, les seins de mes amis, les seins dans des magazines de cul, les seins d'amies avec un cancer du sein, les seins après chirurgie, les seins gorgés de lait,... C'est incroyable.
La peinture a-t-elle pour toi un pouvoir thérapeutique ?
Oui, comme la plupart des activités ininterrompues et manuelles, j'imagine. Si je ne dessine pas pendant une période prolongée je me sens frustrée, mal, inutile. J'aime inviter des amis chez moi pour des diners "art thérapie". On mange et on boit tout en dessinant. Personne n'est obligé de faire la conversation, c'est très thérapeutique.
Tes créations suivent-elles le flot de tes émotions ?
Oui. Je suis très sensible et émotive, mais timide, donc je ne partage pas souvent mes émotions à haute voix. Je les transmets à travers la peinture.
Tu évoques souvent la routine dans tes oeuvres. En quoi la routine est-elle structurante ?
La créativité impose souvent des contraintes. La série Routine est née du manque de temps ou d'espace dont je disposais pour créer des œuvres d'art satisfaisantes. La routine m'a appris qu'en créant un peu tous les jours, on peut contribuer à un plus grand corpus de travail.
Avec un enfant à la maison, comment trouves-tu du temps pour peindre ?
C'est une bonne question ! Je me la pose aussi. La réponse dépend de mon niveau d'énergie...
Mon atelier est un endroit où je peux me concentrer sur mes œuvres sans que ma fille de deux ans et mes obligations sociales ne s'immiscent. C'est important d'avoir un espace physique pour créer et pour libérer de l'espace mental.
As-tu besoin d'un cadre spécifique pour créer, ou tu peux sortir tes pinceaux n'importe où, n'importe quand ?
Je suis flexible. Il faut être flexible si on a ni le temps ni l'espace. J'adore dessiner sur place et rapidement devant une scène de ville ou dans un café. J'ai toujours un pinceau, un carnet, un petit set d'aquarelles ou de l'encre de chine sur moi. Je n'ai pas souvent le choix de prendre du temps ou pas. Mais si j'ai un peu plus de temps devant moi, j'irai à l'atelier faire des plus gros tableaux avec des matières plus lourdes : peinture à l'huile, toile, bois etc.
La panne d'inspiration, c'est quelque chose que tu connais ?
YES. C'est horrible d'avoir ton puit de créativité à sec. Les routines étaient aussi
un moyen de me battre contre la panne d'inspiration, pour me forcer à dessiner ou peindre quelque chose de banal ou d'ordinaire. Faire au lieu de juste réfléchir pendant des heures sans rien créer. L'inspiration peut venir en faisant, mais il me faut établir un rituel quotidien.
Comment travailles-tu ta créativité ?
La créativité artistique vient souvent quand je prends des risques dans ma vie non-artistique : changer une habitude, rencontrer une nouvelle personne, faire quelque chose qui me fait peur pour me pousser à voir le monde différemment, sortir du cadre. Ce dépaysement peut conduire à trouver l'inspiration.
Enfin, peux-tu nous citer 3 artistes solaires et inspirant(e)s ?
Maxfield Parrish, Nicolas Uribe et Rosy Lamb.
Comments