(Photo de Vikaniska)
Tout était vrai.
Les seins qui font mal à en pleurer, les nuit si courtes et hachées qu’on a l’impression de s’être fait assommer, le corps en vrac qui réclame un repos qu’on ne peut pleinement s’octroyer, le sentiment de vulnérabilité devant ce petit être qui ne demande qu’à être protégé.
Mais il y a aussi ces grands yeux bleus aux longs cils qui vous dévisagent pendant la tétée, les sourires d’ange et soupirs de contentement quand enfin ce joli bébé est rassasié, ce petit corps tout chaud qui se love tout contre moi, ce coeur qui bat contre le mien, ce sentiment d’émerveillement face au mystère et à la magie de la vie… Comment mon corps a-t-il pu fabriquer ce petit être humain, fruit de notre amour, qui vient de chambouler nos vies à jamais ?
Je dois avouer que j’ai été sacrément secouée. Dans tous les sens. Je m’y attendais, mais pas à ce point. Je crois qu’on ne se prépare jamais vraiment à cette sensation d’être dans une machine en mode essoreuse, sans savoir quand elle va s’arrêter. On m'avait dit "Oui parfois c’est dur mamma, mais tu vas y arriver. Car tu sais. Au fond de toi tu sais ce qui est bon pour ton enfant, tu as la force d’affronter tout ce qui va se présenter, et tu peux former une super équipe avec celui qui partage ta vie". C'était vrai aussi.
J’ai envie de prendre toutes les jeunes mamans dans mes bras et de leur glisser avec tendresse « Je suis là, ça va aller ». Lâche prise. Accepte de te consacrer exclusivement à ton bébé.
C’est ce que j’ai trouvé le plus difficile durant les premières semaines. Accepter de nourrir mon enfant pendant des heures en pleine canicule alors que mon corps souffrait. La déception de l'allaitement aussi, qui les premières semaines n"était pas aussi épanouissant que je me l'étais imaginé. J'ai fini par trouver ma zone de confort, la meilleure façon de faire pour mon fils et moi, et j'y ai enfin trouvé du plaisir.
Chaque bébé est différent. Nous on avait pioché le bébé koala. Le trop mignon qui veut tout le temps être contre toi. Qui a besoin d'être câliné et rassuré pendant des heures, et n'a pas du tout l'intention de dormir autre part que dans tes bras. C'est aussi émouvant que fatiguant. J'ai trouvé ça difficile ne rien pouvoir prévoir, et de passer un peu à côté de mes moments préférés de l’été. Pour quelqu'un de ma génération (et de ma trempe), qui avait pris l'habitude d'être toujours occupée et d'avoir une grande liberté, le changement était un peu brutal. Mais finalement, qu’est-ce qui pouvait bien être plus important que de prendre soin de mon bébé ?
Et puis il y a la patience infinie que j’ai naturellement déployée envers lui. Je ne pouvais rien faire d’autre qu’aller puiser au fond de moi le calme et la résilience nécessaires à ce nouveau-né.
J’ai pu souffrir intérieurement, notamment des pleurs parfois inexpliqués qui non seulement vous serrent le coeur, mais qui vous vrillent les tympans. Très sensible au bruit, j’ai eu plus d’une fois l’envie de faire l’autruche et d’enfouir ma tête dans le sable pour ne plus les entendre.
Mais j'ai aussi appris à aimer follement cette petite personne qui avait subitement pris toute la place dans ma vie. Chaque jour un peu plus. Face aux difficultés des premières semaines, j’ai trouvé le réconfort en glissant mon nez dans le cou de mon bébé pour m’enivrer de son odeur. J’ai trouvé mon bonheur dans ses sourires, la douceur de sa peau que je peux caresser à l'infini.
Et dans les quelques fous rires que nous prenions avec l'homme de ma vie face à notre nouveau job de parents, bourré d'incertitudes et de tâtonnements.
J’ai eu la chance immense d’avoir un mari très présent car en pleine transition professionnelle, et ce relais m'a permis de respirer.
J'ai adoré sillonner la France avec lui et notre fils. Malgré la fatigue, nous avons fait de belles rencontres et je ne compte plus les liens créés avec des inconnus qui se remémoraient les nuits courtes de leurs bébés. C'était si beau de voir des gens de tout âge se laisser toucher par la grâce d’un nouveau-né.
Les semaines ont passé et nous avons trouvé nos marques. Le cap des trois mois est réel, le pédiatre génial qui a écrit ce livre Bébé dis-moi qui tu es nous l'avait promis, et c'est vrai. Au delà des cents jours, nous avons effectivement ressenti que la tempête se calmait : notre bébé adoré commençait à avoir un rythme bien réglé, à mieux dormir et espacer les tétées.
Et quel bonheur de le voir s'éveiller, prendre des fous rires, gazouiller et nous observer de son regard plein de malice ! Je sais que la route est longue et je mesure les contraintes parfois un peu pesantes de la vie de maman.
Mais ce n'est rien à côté de la sensation qui me colle à la peau d'être enfin pleinement à ma place. Je n'arrête pas de me répéter intérieurement "savoure, savoure", car nous sommes très chanceux d'avoir un bébé en bonne santé, et il faut le dire, grâce à lui je me sens plus heureuse que jamais.
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